26 septembre 2001

Par rapport à ses voisins, la Bolivie apparaît comme un petit pays. En fait, il est tout de même grand comme deux fois la France! Il y a entre 8 et 10 millions d’habitants seulement. On connaîtra bientôt le nombre exact, il y a eu un recensement en septembre. Tous les boliviens ont été consignés chez eux afin d’être comptés. Il y a une majorité d’indiens.

On a quitté Sucre pour Potosi. La route est très belle à travers les montagnes. On fait même un arrêt-crevaison dans un bel endroit. Le chauffeur et sa femme (encore une affaire de famille) sont bien rôdés. En 5 minutes la roue est changée et on repart! Ils doivent avoir une prime pour la ponctualité ou bien ils ont peur de rater des clients dans le sens inverse. Bref, quatre heures de voyage plus tard, on arrive à Potosi, à 4000 mètres. On a retrouvé le grand ciel bleu. A cette altitude on dirait que les nuages ne s’aventurent pas trop.

La première impression de Potosi est moyenne. Vent glacial fort qui nous submerge de poussière, sachets plastiques et autres poubelles. En plus, on décide de rejoindre le centre à pied. Facile, ça descend… Trois cents mètres plus bas, on se rend compte qu’on s’est trompé de côté, il fallait monter. On prend donc un collectivos (minibus à 1 boliviano). Chemin faisant, on découvre une belle ville avec un chouette architecture et… plein d’églises partout. 34 dans cette ville de 120000 habitants. Le centre est beau, propre et l’ambiance qui règne décontractée. Place du 10 novembre, plein de bancs au soleil, tous occupés! Les petites ruelles pavées invitent à la balade. Seul problème, ça monte et ça descend tout le temps et à 4000 mètres d’altitude, on s’essouffle vite.

27 septembre 2001

Ce matin, on va à la mine. On met nos habits avec les plus grandes poches des fois qu’on tombe sur des morceaux d’argent. Dans ces mines, du plomb, du zinc et de l’argent bien sûr. La visite, c’est du vrai sport! A 100 mètres sous terre, dans un véritable gruyère où bossent 4000 hommes, on vit Germinal en direct. On visite la mine San Miguel. On court partout souvent courbés en deux voire accroupis puisque nombre de galeries se font basses, on escalade, on descend des à-pics, on grimpe aux échelles, on évite des trous profonds de 80 mètres… Le tout à 4000 mètres d’altitude, en deux heures, on est épuisés. Les mineurs font ces trajets avec des charges de 40 à 50 kg sur le dos ou en courant derrière leurs brouettes pleines de caillasse.

Parce qu’ici, c’est une coopérative. Ce n’est pas une mine privée. C’est donc moins riche. Qui dit pas de bolivianos dit pas d’électricité, pas de wagonnets -ni à bras ni électriques-, moins de sécurité, pas de limite inférieure d’âge pour travailler (malgré l’interdiction de travail des enfants ils sont environ 1 million à travailler en Bolivie), pas de sécurité sociale, 10 à 12 heures de travail quotidien, aucun dimanche ni congé, des galeries creusées sans plan un peu au petit bonheur, souvent fort basses. Et pas de revenu pour la veuve du mineur et ses enfants lorsqu’il meurt prématurément vers 45 ans suite au dur travail de la mine et aux maladies des mineurs. Les conditions se sont améliorées, avant ils avaient une espérance de vie d’environ 35 ans. Le tout est d’espérer qu’alors les enfants seront assez âgés pour aller travailler à leur tour à la mine. Ca plus les accidents (minimum un par jour) fait que les mineurs -bien que tous catholiques- ne reconnaissent qu’une seule et même divinité une fois entrés dans la mine: El Tio. Dieu qyu serait marié à Pachamama, la terre mère. Ce dieu doit les aider à trouver de bons filons et possède donc un très proéminent appendice de fertilité. Comme c’est bien dit! Ils est également là pour les protéger. Il reçoit feuilles de coca et cigaretes en offrande.

A part ça, le mineur de coopérative est seul responsable de sa sécurité. Le premier élément, sa lampe, alimentée par du souffre et de l’eau (qui peut être remplacée par du coca ou du pipi dans les moments critiques!) qui provoque la réaction chimique donnant un gaz inflammable. On a testé 5 minutes dans le noir, on n’y voit goutte. Ensuite, son casque. Très kmportant pour nous aussi, sinon on se serait fracassé le crâne 10 fois. Puis, les bottes de caoutchous et les magiques feuilles de coca logées en une énorme boule déformant la joue. Une cinquantaine de feuilles mises une à une dans la bouche à la différence des péruviens qui y vont par poignées.

Les mineurs sont organisés en équipes de 5 ou 6 personnes. Selon le travail qu’ils font (transporter, remonter…) et la qualité du minerai, ils gagnent de 250 à 1200 bolivianos (1 bolivianos vaut à peine plus d’un franc) pour 8 tonnes, pour l’équipe. En moyenne, un mineur gagne 1000 bolivianos par mois alors qu’un professeur ou un policier en gagne 600 ou 700. Etre mineur semble être bien payé. Mais c’est extrêmement difficile, ça raccourcit drôlement l’espérance de vie, il n’y a pas d’horaires, pas de jours fériés, pas de week-ends, et c’est dangereux. Alors pourquoi ils continuent? Parce que leurs grand-pères et pères le faisaient, c’est la tradition “en dehors de la mine, nous ne sommes rien”. Et aussi parce qu’à Potosi il n’y a rien d’autre. Ceux qui font des études (comme notre guide) finissent souvent chauffeurs de taxis ou guides par exemple. Il n’y a pas de boulot. Que se passera-t-il lorsque dans 50 ou 60 ans la mine sera épuisée? Déjà qu’avec la baisse du cours mondial de l’argent…

28 septembre 2001

Aujourd’hui, on a des courbatures d’avoir couru accroupi dans la mine! Du coup, il nous faut bien une journée de repos pour nous remettre de nos émotions et de nos efforts. Quand on pense que les mineurs font bien pire, tous les jours, même le dimanche…

Comme bien souvent lorsqu’on a envie de se reposer et de contempler la ville et ses habitants, on se pose sur un banc sur la place. Car depuis qu’on a mis les pieds en amérique du sud, il y a eu une place dans toutes les villes par lesquelles nous sommes passés. Et chaque fois, elles sont débordantes de vie. Les papis y lisent le journal, les écoliers en uniforme s’y retrouvent le midi, les hommes d’affaires pressés la traversent armés de leur costume-cravate. Et puis, depuis qu’on est en Bolivie, il y a un nouveau genre d’individus: les cireurs de chaussures. On en avait déjà croisé quelques uns, installés avec leurs chaises en bois destinées aux clients, souvent protégés par une petite ombrelle. Mais ici, les cireurs sont ambulants. Ils n’ont qu’une petite boîte en bois où sont rangés méticuleusement brosses, chiffons et boîtes de cirage. Et ici, les cireurs sont des enfants… Des gamins d’une dizaine d’années qui font le tour des bancs. Un boliviano la séance de cirage de pompes.

En Bolivie, il y a sans doute un million d’enfants qui bossent (pour une population de 8 millions). Il y a ceux qui ont abandonné l’école pour ramener de l’argent à la maison. Mais il y a aussi les “nocturnes”, comme ils disent ici. Ceux qui profitent du moindre temps libre pour gagner quelques sous. Et beaucoup de ces cireurs semblent en faire partie. Ils n’apparaisent qu’à midi ou en fin d’après-midi, à la recherche de quelques sous, quelques fois pour prendre le bus. C’est clair, ils n’ont pas abandonné l’école, il n’y a qu’à voir celui qui nous a fait la causette aujourd’hui ou l’autre jour à Sucre. Il nous a fait une visite guidée de sa ville sur notre plan. Pour lui, lire les noms de rues, s’orienter ou encore parler des villes boliviennes et des pays voisins, tout cela n’est pas un problème, sûr qu’il ne doit pas être mauvais en géographie. Il faut juste espérer que son ou ses petits boulots ne lui grignotent pas trop de temps pour aller à l’école. Et puis aussi pour s’amuser… il n’a guère plus de 10 ans.

La Bolivie, c’est un peu le pays du chapeau. Ici à Potosi, il y a une coiffe bien particulière, une double protection: un bonnet de laine multicolore avec pompom et rabat pour les oreilles, le tout surmonté d’un chapeau melon couleur crème orné d’une large bande de tissu noir à la base. Ce sont les hommes qui la portent.

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